Jour 1
Nous voilà mercredi 30 octobre, il est 9h et tous les inscrits au stage des vacances de la Toussaint sont présents sur notre lieu de rendez-vous favori, le parc Sauvaigo. Ce sont donc 10 jeunes, accompagnés de leurs parents et de leur valise, qui attendent l’arrivée du minibus du comité départemental pour s’en aller visiter l’aire toulonnaise afin d’y effectuer un stage d’escalade intensif durant trois jours. Ce matin, pas d’inertie de groupe, dix minutes suffisent pour charger les bagages et faire un petit bisou à papa et maman. Les enfants sont pressés de partir et aucun parent ne souhaite les retenir. Malgré un trafic fluide les jeunes filles trouvent le temps long et décident d’utiliser leurs cordes vocales afin d’étaler leurs talents de chanteuses sur la fin du trajet.
Nous arrivons au Mont Coudon, lieu de notre première séance d’escalade, un peu avant onze heures. Nous nous emparons rapidement d’une corde et d’un lot de dégaines puis empruntons le bon sentier menant au secteur « feeling ». Ici, sans être parfait, le pied de falaise est agréable, le soleil domine mais quelques arbres chétifs nous apportent l’ombre nécessaire. Maya, dont la motivation ne fait guère de doute, est la première chaussons aux pieds et s’apprête à grimper en tête dans « Caliméro », un 5c d’une trentaine de mètres. Malheureusement elle est stoppée dans son élan par une difficulté où elle ne trouve pas de solution, retour sur le plancher des vaches. Léane, Cécile et Mani respectent les fondamentaux de l’échauffement et vont respectivement installer la moulinette dans « le dalmasso migrateur », « chronastro » et « vocalise » trois interminables 5c pendant que l’ambitieux Léon se présente au pied de « parcours santé » le seul 5b du secteur, dégaines au baudrier dans l’espoir de faire la longueur en tête. Les premiers mètres peu aisés le rappellent à l’ordre : ici son gainage et sa tonicité lui sont peu utiles et Léon bute au deuxième point avant de redescendre. Romain tente alors sa chance et, à l’aide d’une prise cachée, trouve la solution puis s’élève sur une bonne partie de la voie. Néanmoins, il sera également stoppé par un nouveau « crux » qui le contraindra à redescendre. Mais cette cordée est opiniâtre. Léon y retourne puis, à force d’acharnement, parvient à aller encore un peu plus haut. Bravo les garçons pour votre beau travail d’équipe ! Esteban profite de la moulinette pour explorer sa première voie dont il parcourt l’intégralité sans difficulté. Il sera suivi par Maya. Romane, sans stress, enfile ses chaussons et enchaîne également » Chronastro », sa descente signe la tant attendue pause déjeuner. Chacun trouve sa zone d’ombre et dévore ses victuailles avant l’habituelle dégustation de bonbons.
Une fois les batteries rechargées, nos jeunes sont prêts et retournent grimper avec entrain. Mani s’encorde et s’en va en tête défier « la fée clochette » un 6a+ de 35 mètres. Maya, Romain, Léon et Esteban, pleins de bonne volonté, enchaînent les différents 5+ du secteur. De leur côté les grandes s’occupent dans « les flirts du mâle », un 6b que Lia est proche d’enchaîner mais tous les connaisseurs le savent, le calcaire toulonnais ne se laisse pas dompter facilement. Léane joue même son va-tout dans « Chlorodose » un 7a dans lequel les prises se font rares. Cette dernière tentative marque la fin de notre première séance de falaise. Après le rangement des cordes et dégaines nous remontons rapidement aux voitures et filons vers « bloc session » pour le 2ème round.
Il est autour de 17h30 lorsque nous mettons les pieds sur les tapis. Pour cette séance nous resterons un maximum groupés en essayant de s’inspirer les uns des autres. Après un rapide rééchauffement, nos jeunes commencent à se frotter aux blocs durs. Contrairement à la falaise, ici les prises sont visibles et permettent aux enfants d’exprimer facilement tout leur talent sous les yeux admiratifs des badauds. Il faut dire que ça dépote sévère et que nos jeunes empilent les blocs de manière impressionnante. Romain, Romane, Maya, Léon et Esteban font un nombre pléthorique de blocs de difficulté violette (autour de 6b bloc) pendant que Mani, Mélia et Baptiste s’offrent quelques blocs noirs (autour de 6c bloc). Le duo Lia-Léane sort le grand jeu et, au nez et à la barde de l’élite locale, plie les blocs gris (environ 7a bloc). Plus tard, Mani ainsi qu’Esteban frôlent l’entorse et nous rappellent que, même sous ses airs débonnaires, la salle de bloc reste un endroit à risque et qu’il est primordial de respecter les consignes de sécurité. Voilà deux heures que nous tournons sur les tapis et la fatigue se fait désormais ressentir. Sans trainer nous plions bagage puis mettons la clé sur le contact direction « la maison des frères », notre lieu de villégiature située au Beausset. Nos dortoirs ainsi que la salle à manger sont les mêmes que l’année dernière et nous nous réapproprions rapidement l’endroit. Au menu ce soir c’est pâtes à la bolognaise ! Léane est aux commandes et nous sommes ses commis. Quelques ordres plus tard, la viande et les oignons sont cuits, les pâtes sont al dente, reste à effectuer le service. Sans exception les jeunes dévorent, il faut dire que la journée fut longue. Nous finissons le repas à presque 22h. Sans plus trainer nous envoyons tout ce beau monde au lit et malgré la fatigue générale certains chahutent encore. Quelques minutes suffisent à obtenir le silence et c’est enfin l’heure d’un repos bien mérité.
Jour 2
Charge mentale oblige, les filles se lèvent tôt, ont le temps de sérieusement entamer le pot de pâte à tartiner alors que les garçons larvent encore. Une bonne heure leur sera nécessaire pour rétablir la parité. Une fois tout ce beau monde debout et les sandwichs préparés nous pouvons prendre la route pour Sainte Anne d’Evenos où se dresse la falaise de « La Jaume », notre secteur du jour. Le topo annonce 25 minutes de marche d’approche mais nous savons qu’avec des enfants nous pouvons parfois doubler les temps indiqués. Au bout de quelques centaines de mètres les bifurcations se multiplient et j’ai le malheur de faire le mauvais choix. Nous nous élevons d’abord sur un bon sentier mais petit à petit celui-ci se réduit pour laisser place au maquis. Nous sommes déjà bien engagé et faire demi-tour serait trop casse-moral. En conséquence nous nous entêtons. Après s’être égratignés les mollets nous retrouvons le chemin au balisage bleu puis découvrons enfin le pied des voies. Alexis qui par curiosité avait lancé le chronomètre regarde sa montre et nous annonce notre temps : 1h02. Parfois, ignorer ce qu’il nous attend est préférable. Enfin nous posons nos sacs et, après avoir trouvé un coin d’ombre, nous nous équipons. Mani se lance dans « Lucy lucke », un 5c au profil dalleux. Au bout de quelques mètres Mani couine et peste contre le manque de prises. Arf maudite falaise. Mélia, assurée par Maya, s’en va en tête dans « coquelicot de droite » un 5b+ de grande classe. Le début n’est déjà pas aisé mais Mélia s’en sort à merveille, reste à gravir le dernier surplomb. Mélia s’engage, trouve les deux bacs salvateurs et, avant même de clipper le relais, s’autorise une suspension uniquement avec les mains. Léon lui aussi est très motivé pour grimper en tête, il prend une corde, un jeu de dégaines et se pose au pied de « voler c’est pas bien » un 5b d’une vingtaine de mètres. Malgré un départ ne posant pas de problème, le benjamin du groupe est précautionneux et prend son temps. Il s’élève calmement jusqu’au moment où, alors qu’il s’apprête à passer la corde dans la dégaine, il zippe et tombe sur plusieurs mètres, le tout la tête en bas. Tomber avec » le mou dans la main » est le pire des scénarios, la chute en est forcément impressionnante voire effrayante. Romain, qui était à l’assurage, finit de descendre Léon puis nous prenons soin de nous assurer de sa bonne santé physique et mentale. À l’évidence Léon se porte bien, il souhaite même regrimper tout de suite mais en « moul » dit-il. Solide le bonhomme ! Durant ce temps, Esteban, Baptiste, Romane , Cécile et Alexis grimpent dans les différents 5c. Lia enchaîne en tête « hors jeu » un 6a plutôt en fissure. Bravo Lia ! Le soleil est au zénith et au grand bonheur des enfants l’heure est à la pause déjeuner. À l’ombre d’un petit surplomb, nous apprécions nos sandwichs faits maison.
Post prandial nous nous décalons d’une cinquantaine de mètres sur la gauche afin de découvrir un nouveau secteur. Le hic est qu’ici le thermomètre monte encore d’un cran et que nos gourdes s’assèchent. Effectivement certains n’ont plus d’eau et, alors qu’il n’est pas 15h, nous en sommes déjà à rationner et à partager le précieux liquide qu’il nous reste. Malgré tout, les jeunes grimpent. Romain tente sa chance en tête dans « glandeur nature » un 5b dans lequel il sera stoppé à la 4ème dégaine. Maya et Mélia qui souffrent pourtant beaucoup de la chaleur, s’accrochent aux prises dans « y’a pas de mêêê », un 5c au départ déroutant. Léane y va crechendo en enchaînant un 6b, un 6b+ puis chutera dans un 6c+ apparemment « morpho ». Sa copine Lia en profite pour prendre les différentes moulinettes avec plus ou moins de réussite en fonction de son degré de nonchalance. Léon et Esteban enchaînent toutes les voies de leur niveau et font un nombre satisfaisant de mètres d’escalade. Mani s’essaye dans « Saperlipopette », un 6b dont il parcourt la première moitié avant de choir. Baptiste, Romane et Romain profitent de la moulinette dans « une santé de fer » un 5c où le placement est de rigueur. Le soleil décline et passe enfin derrière la montagne. Le lieu devient vivable mais les choses sont parfois mal faite, il nous faut rentrer avant la nuit pour espérer prendre le bon chemin. Après le sempiternel rangement de cordes, nous mettons les sacs sur le dos et descendons au milieu des grès d’Evenos sans histoire jusqu’aux voitures. En face du parking se trouve une station service, j’y file acheter de l’eau. A la vue des bouteilles les jeunes sont hystériques, semblables à des groupies rencontrant leur star préférée et je dois avouer avoir trouvé ça chouette. En effet, voir cette jeune génération être capable de se réjouir d’un plaisir simple m’a comblé. La nuit tombe, il n’est plus question de traîner car ce soir c’est halloween et les enfants ont des projets. Après s’être vêtus de leur déguisement et maquillés de faux sang vient l’heure de la chasse aux bonbons. Nous sortons donc arpenter les rues adjacentes en quête de sucreries. Le succès est relatif, un bon nombre d’enfants sont déjà passés par là et les bonbons se font rare. Nous déambulons une heure avant de retourner sur la place centrale où Cécile entraîne les filles à danser sur une musique traditionnelle puis rentrons sagement à « la maison des frères » retrouver Lia et Léane qui s’affairent à préparer le poulet curry du soir. Il est tard et chacun engloutit son assiette avant d’avoir le droit à son verre de salade de fruits. Au vu du programme chargé du lendemain, au grand dam des enfants, nous decrétons un réveil matinal et allons naturellement nous coucher.
Jour 3
Ce matin nous jouissons des premiers rayons de soleil en prenant le petit déjeuner dans le jardin. Après les derniers détails nous quittons les parages pour nous rendre au « Baou des quatres ouros », site historique Toulonnais. Aujourd’hui les enfants retrouvent des couleurs, en plus d’avoir pris plusieurs bouteilles d’eau, la marche d’approche est de 8 min chrono. Bien que ce soit le dernier jour, la plupart garde une belle motivation. Aujourd’hui Léane a des ambitions, elle s’échauffe directement dans « Cuisse chaude » un 6b long et physique. Comme à l’habitude elle est suivie par Lia. Mélia décide de s’aventurer en tête dans « wall E » un 5b dans lequel un crux aura raison de ses velléités. Maya, couragement, essaye à son tour et passe ce pas de bloc. Elle s’applique dans la fin de voie et clippe le relais ! Voilà qui fait plaisir. Ce dernier jour récompense tes efforts, ta volonté et ton attitude. Félicitations ! Romain pose les paires dans « Manfred » un 5a prisu. Il est suivi par son compagnon de cordée Léon qui, après sa chute de la veille, renoue avec la tête et démontre ses qualités mentales. Dans cette même voie Romane affronte ses appréhensions en grimpant au dessus du point et s’en sort à merveille. Esteban prend toutes les moulinettes et va même essayer « Zorbec le gras », un 6a+ très athlétique pendant que Léane s’attaque à « Mata virgem » un 7a majeur très déversant. Dans ce profil à condition physique Léane ne bronche pas beaucoup et signe sa plus belle perf du séjour en sortant la voie à vue. Mani sort un peu de sa zone de confort et va se frotter à « Caduta massi » un 6a interminable et franchement pas cadeau. À l’aide une belle persévérance et d’un engagement certain Mani clippe le relais et peut être fier de lui. Baptiste, pas franchement convaincu, prend la moulinette puis, après un début de voie bien maîtrisée, se décourage trop facilement quand la difficulté s’accroît. Malgré tout, cette cordée a de la ressource. Mani va maintenant dans « Indexplosion », un 6a fait de pas de blocs et de bons repos. Alors qu’il pense cela infaisable, il randonne tous les crux et s’offre une nouvelle croix. Baptiste s’encorde et, sans autre forme de procès, enchaîne le 6a. Bravo les garçons ! Sans compter qu’avec de l’optimisme vous ferriez bien mieux. En une matinée, les jeunes ont grimpé trois à quatre voies et méritent amplement leur sandwich. Une fois de plus nous cherchons l’ombre car la tempête de ciel bleu perdure. Nous pouvons dire que nous abordons l’hiver avec notre dose de vitamine D.
Après le repas certains ont le temps de faire une dernière voie avant de ranger le matériel et de redescendre aux voitures. Il est 14h quand les portes automatiques de « vertical art » s’ouvrent pour ce qui sera notre dernier acte. Aujourd’hui encore nous restons groupés afin d’apprendre des autres. Bien que cela soit la cinquième séance en trois jours, nos grimpeurs regorgent d’énergie. Cette dernière serait-elle étroitement corrélée à la motivation ? Quoiqu’il en soit, en bons mutants de la résine, les jeunes performent encore. Léon et Esteban, dont la timidité a disparu, montrent encore une fois leurs qualités musculaires en enchaînant des blocs durs. Mani trouve enfin les prises et toppe quelques blocs ardus pendant que son acolyte Baptiste, dont l’appréhension s’est envolée, retrouve son dynamisme. Romain, un peu en dessous physiquement, compense par une belle envie. De son côté, entre deux blocs, Romane aime exagérément flâner sur les tapis. Romane on en a déjà parlé ensemble et peut-être ai-je été maladroit mais tu gagnerais beaucoup à augmenter ton volume d’escalade. Mélia et Maya font largement le job pendant que Lia peut enfin s’exprimer dans de vraies dalles techniques. Léane fait plusieurs démonstrations de coordinations, de compressions, de talons, de contres pointes et nous montre que l’entraînement paye. Le tour de la salle est maintenant terminé et après une dernière gaufre il nous faut regagner nos quartiers.
Ce stage touche à sa fin et avant de conclure je me dois de remercier Alexis et Cécile sans qui ce stage n’aurait pas été réalisable. Merci à vous pour votre aide, que ce soit à la falaise, dans les dortoirs ou en cuisine ! Merci aussi aux enfants d’avoir été de bonne compagnie, d’avoir su se mélanger, de m’avoir fait beaucoup rire et peu pleurer. Nous avons partagé un moment de vie qui, je l’espère, nous sera profitable à tous. L’escalade est un prétexte pour se retrouver, fabriquer des souvenirs et passer des vacances sportives. Au moins, par ce prisme, il me semble que ce fut une réussite. En espérant que votre retour à l’école soit aussi satisfaisant que votre niveau d’escalade, je vous dis à bientôt pour de nouveaux entraînements.